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mon impression a été si forte que je serais bien incapable aujourd’hui de n’importe quel propos qui ne se rapportât point à Daudet. Ah ! je le confesse, l’excès de mon dégoût a déconcerté la prescience de mon mépris, en dépassant jusqu’à l’infini ses oracles et ses présages !

J’avais lu le livre qui parut, il y a deux ans, et qui était une rallonge commerciale à l’ancienne farce du même auteur, intitulée Tartarin de Tarascon. C’était une façon de guide cocasse à l’usage des explorateurs dont l’âme ne s’entrebâille que sur les plus hautes cimes et qui veulent crever de rire en gravissant les sentiers des monts.

On y trouvait à foison cette bonne vieille gaieté de commis-voyageur qui s’épanouit aux tables d’hôte et qui produit sur l’âme poussiéreuse des mufles ambiants le rafraîchissant effet d’une si céleste brise. Il y avait çà et là, — dans les intervalles des glaciers, — quelques sympathiques réclames pour des hôtels et des établissements hygiéniques. On y vantait les bonnes façons et le sentiment élevé de divers touristes appartenant à diverses patries, en vue de plaire à tous les peuples et de rendre aussi internationale que possible, la marchandise. Enfin, c’était une excellente affaire de librairie, admirablement lancée, d’ailleurs, et qui rapporta, dit-on, une somme énorme à l’honorable romancier.

Moi, j’avais cru qu’il n’était pas possible de se déshonorer littérairement d’une manière plus