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gèrent la tête en glissant autour du crâne, jusqu’à tomber sur leurs épaules où le nimbe de la majesté se convertit en l’ignoble carcan des esclaves.

Il leur fut accordé, cependant, de durer ainsi et de régner aussi bien qu’avant, tout rivés qu’ils fussent au soliveau de la Stupidité royale. Aujourd’hui, la sinécure de monarque est devenue tout à fait exquise. On joue à qui perd gagne avec les traditions de l’antique honneur et on organise entre soi de divertissants lotos de massacres, sans nul souci des devoirs profonds, sans nul soupçon des réalités essentielles.

C’est la merveille des temps actuels de voir subsister ces fantômes d’un ordre social irréparablement défunt, ces inanes ombres de l’histoire la plus liquidée. Le prochain siècle s’étonnera, je suppose, de cette longue survie des trônes, plus étonnante pour l’esprit que la survie des décapités.

Ces semblants d’êtres n’ont absolument rien à faire au milieu de nous qui n’avons absolument rien à leur demander et ils ne paraissent exister que par la force de l’illusion légendaire qui groupe on ne sait quelles fidélités posthumes à l’entour de leurs simulacres.

Néanmoins, lorsque arrive le Jour des Rois, quelque chose tressaille encore au plus intime de cette société nourrie par la vieille Église. On s’assemble pour manger et boire en poussant des clameurs sauvages. Nul, parmi les convives, ne