Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il succomba, comme Satan, pour avoir « vaincu l’Espérance ». Cher grand homme avorté ! Pauvre rastaquouère sublime ! « C’est quelqu’un, dit-il, en parlant de lui-même, qui a des chagrins épouvantables ! » Et c’est tout ce qu’il nous révèle de son passé. On dirait même qu’il le cache avec toute la ruse compliquée d’un aliéné simulateur et larron.

Dans l’espoir de fuir, son imagination éperdue le précipite aux métamorphoses. Il se rappelle « avoir vécu un demi-siècle, sous la forme de requin, dans les courants sous-marins qui longent les côtes de l’Afrique » ; il se reconnaît un visage d’hyène ; il a de longs entretiens avec « le frère de la sangsue » et « le poulpe au regard de soie, dont l’âme est inséparable de la sienne, qui est le plus beau des habitants du globe terrestre et qui commande à un sérail de quatre cents ventouses ».

Enfin, il adresse à ses lecteurs exécrés d’avance, — si le Tout-Puissant qu’il vomit lui permet d’en avoir un jour, — cette encyclique recommandation par laquelle j’ai voulu finir :

« — Adieu, vieillard, et pense à moi si tu m’as lu. Toi, jeune homme, ne te désespère point ; car tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire. En comptant l’acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis. »


1er septembre 1890.