Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leurs narines rouge et brûlant ; contre le silence de la nuit ; contre les chouettes dont le vol oblique leur rase le museau, emportant un rat ou une grenouille dans le bec, nourriture vivante, douce pour les petits ; — contre les lièvres qui disparaissent en un clin d’œil ; contre le voleur, qui s’enfuit, au galop de son cheval, après avoir commis un crime ; contre les serpents, remuant les bruyères, qui leur font trembler la peau, grincer des dents ; — contre leurs propres aboiements, qui leur font peur à eux-mêmes ; contre les crapauds, qu’ils broient d’un coup sec de mâchoires (pourquoi se sont-ils éloignés du marais ?) ; contre les arbres, dont les feuilles, mollement bercées, sont autant de mystères qu’ils ne comprennent pas, qu’ils veulent découvrir avec leurs yeux fixes, intelligents ; — contre les araignées suspendues entre leurs longues pattes, qui grimpent sur les arbres pour se sauver ; contre les corbeaux, qui n’ont pas trouvé de quoi manger pendant la journée, et qui s’en reviennent au gîte, l’aile fatiguée ; — contre les rochers du rivage ; contre les feux, qui paraissent aux mâts des navires invisibles ; contre le bruit sourd des vagues ; contre les grands poissons, qui, nageant, montrent leur dos noir, puis s’enfoncent dans l’abîme ; — et contre l’homme qui les rend esclaves !…

« Un jour, avec des yeux vitreux, ma mère me dit : « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi sous ta couverture, ne tourne pas