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d’un certain accent qui doit étonner certain démon et que je n’avais encore trouvé dans aucune littérature.

Mais cet accent-là qui fait ressembler chaque phrase à une louve enragée courant de ses pattes agiles et silencieuses à la rencontre d’un voyageur, est à lui seul une originalité si démesurée, si formidable qu’à la lecture, on sent battre ses artères et vibrer son âme jusqu’au tremblement, jusqu’à la dislocation ?

Le signe incontestable du grand poète, c’est l’inconscience prophétique, la troublante faculté de proférer par-dessus les hommes et le temps, des paroles inouïes dont il ignore lui-même la portée. Cela, c’est la mystérieuse estampille de l’Esprit-Saint sur des fronts sacrés ou profanes.

Quelque ridicule qu’il puisse être, aujourd’hui, de découvrir un grand poète inconnu et de le découvrir dans un hôpital de fous, je me vois forcé de déclarer, en conscience, que je suis certain d’en avoir fait la trouvaille.

Je sais bien que cette cloche sublime qui devait sonner les tocsins et les victoires, fut, presque aussitôt après son baptême, fêlée par le tonnerre, et ce fut un malheur immense pour tous ceux que les voix du ciel peuvent consoler.

Mais parfois, j’ignore comment, cette blessée rendait encore des sons divins, qu’ils fussent gra-