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de ce pianto de la haine infiniment désolée. Si les pessimistes bien étranges de l’indifférence absolue, qui ne sont tout juste, en fin de compte, que les optimistes du néant, daignaient, un instant, concéder l’hypothèse du bien moral, on pourrait leur dire que ce n’est pas tout à fait un rêve de supposer à l’extrême abomination d’une vraie face tangible de réprouvé, la puissance de précipiter certains hommes à la vertu par l’effet d’une transcendante peur.

En lisant les Chants de Maldoror, je n’ai pu me défendre à chaque page, d’une singulière impression. L’auteur me faisait penser à un noble homme s’éveillant au milieu de la nuit dans le lit banal d’une immonde prostituée, toute ivresse finie, se sentant à sa merci, complétement nu, glacé de dégoût, agonisant de tristesse et forcé d’attendre le jour.

« Il n’essaie pas de se rendormir. Il sort lentement, l’un après l’autre, ses membres hors de sa couche. Il va réchauffer sa peau glacée aux tisons rallumés de la cheminée. Sa chemise seule recouvre son corps. Il cherche des yeux la carafe de cristal afin d’humecter son palais desséché. Il ouvre les contrevents de la fenêtre. Il s’appuie sur le rebord. Il contemple la lune qui verse, sur sa poitrine, un cône de rayons extatiques, où palpitent, comme des phalènes, des atomes d’ar-