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santes sur le rêveur penché au-dessus du puits de la Mort qui est précisément son âme, — au fond de laquelle chaque atome croulant produit un tonnerre composé des éclats de joie ou des sanglots, des rugissements d’amour ou des ramages de désespoir de plusieurs millions de cousins germains qu’il n’a pas connus, mais dont il répercute, en sa profondeur, la dolente consanguinité.

Il est une autre sorte de ruines, un peu plus curieuses, vraiment, que toutes les ruines fameuses de l’Orient ou de l’Occident qui font bramer les poètes et blanchir les archéologues.

Celles-là, nul ne les explore, le monde ignore jusqu’à leur existence et la sollicitude réclamière des guides ne les signale jamais à l’attention des crevants d’ennui qui font voiturer leurs carcasses pleines de dégoût sur l’épine dorsale du globe.

Qu’on se figure, par exemple, un être merveilleusement doué, un homme du génie poétique le plus incontestable et le plus puissant, un magique cerveau peuplé de lumières, comme une basilique à la Chandeleur ; — qu’on veuille bien se le représenter sous cette image, aux trois quarts détruit par l’ouragan de quelque effroyable douleur ; détruit sans espoir de restauration, décoiffé de ses voûtes, ébranlé dans ses plus profondes assises, vacillant sur les jarrets de ses contreforts,