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doce même, en frappant la religion, car c’est la religion qui est nuisible, funeste, qui permet l’exploitation éhontée de l’humanité.

» Il faut prendre le mal dans sa racine et couper la racine. Le clergé forme les branches et les feuilles chargées de répandre le poison contenu dans le tronc ; que le tronc s’abatte, et les branches et les feuilles se dessécheront…

» Il faut donc que d’une façon définitive, il soit rompu avec la foi chrétienne : c’est une chose faite, mais il faut la parfaire. »

Et maintenant, je dois poser la plume, car je n’en peux plus et j’ai le cœur triste à en mourir. Quelle que soit ma confiance en Dieu, comme chrétien, je ne peux ignorer que beaucoup de ses créatures, faites à son image, paraissent tout à fait sans défense et sont, en effet, foulées aux pieds des immondes oppresseurs du faible et de l’innocent. Cela, sans doute, par une sagesse très-profonde et des lois très-cachées, en vertu desquelles l’infaillible équité divine se dissimule parfois sous les apparences d’une insupportable injustice. En même temps, je suis enfermé, comme tous mes semblables, dans le fini et le contingent et alors, comment pourrais-je me défendre de l’indicible angoisse de subir le spectacle de tels attentats !

J’ai rappelé le massacre des Innocents, cette pluie de sang rose qui a transpercé dix-neuf siècles. Mais l’égorgeur était un roi d’Orient dans sa gloire et il ne fit mourir que les tendres corps.