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qui aurait pu être un si beau vacher troubadour dans son pays de cigales et d’oliviers, mais qui préféra le métier de ramasseur de crottin de journalistes sur le boulevard Montmartre.

Aujourd’hui, c’est M. Clovis Hugues et son invincible moitié. Le lion et la lionne. Ces vaillantes natures, dégoûtées de l’insuffisante auréole double du poète ridicule et du député bafouilleur, ont inventé de la faire triple en assassinant le pauvre monde. Il me semble que c’est pousser un peu loin l’abus du tréteau natal.

Et pourtant, notre abrutissement est si parfait qu’ils se trouvent avoir fort exactement calculé. Le monde est à leurs pieds et la Justice du journalisme sanctionne la justice des douze bourgeois épeurés qui ont rendu sous eux le monstrueux verdict de non culpabilité.

La circonstance inouïe de l’abstention d’un tiers du jury est étrangement significative. Il paraît que les diverses mitraillades de ces derniers jours ont agi avec puissance sur l’intime conviction de tous ceux qui étaient appelés, de manière ou d’autre, à prononcer sur cette affaire.

Je me suis imposé l’héroïque besogne de lire un assez grand nombre de journaux sans pouvoir dénicher un blâme viril, une vibrante et mâle parole d’indignation contre cette salauderie de tout un peuple muet d’effroi devant deux cabotins sinistres piaffant dans le sang que notre dyssenterie morale leur a permis de répandre sans danger.