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vre, en laissant à quelques esprits douloureux, le réconfort puissant de se souvenir de lui comme de la plus belle conscience littéraire qu’on ait jamais vue.

Oui, il y aura, dans quelques jours, toute une année que j’assistai, presque seul, à cette agonie et que je recueillis le dernier soupir de ce vaillant homme qui n’avait pas « péché par ses lèvres », en parlant contre sa pensée et qui, fastueux par nature, avait choisi d’être sans richesse pour garder la virginité de son témoignage.

Les journaux furent copieux et publièrent, à cette occasion, d’effroyables stupidités, d’antiques et inanes potins. Les fontaines de l’envie suppurèrent en de sales chroniques. Divers chacals accoururent au lion défunt. La presse fut, une fois de plus, l’odieuse cochonne et l’idiote incurable que nous savons bien, et les rares panégyriques entrepris parurent si aphones ou si bêtes qu’ils compliquèrent la dégoûtation.

N’importe ! la justice va toujours son train comme il lui plaît, et la haine malpropre n’apporta pas un moindre hommage, après tout, que l’admiration malavisée. Tous confessèrent, en leurs langages, la souveraine autorité de cet esprit fier, et les quelques livres d’immortalité qu’il a laissés continueront d’être admirés longtemps après la soixante-dix-septième génération qui doit hériter des suçoirs de la vermine par laquelle ses contemporains, hostiles ou favorables, seront dévorés à leur tour.