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d’accord avec ses pensées et ses impressions.

Or, cela cadre toujours. L’opinion du juge répercute servilement les cogitations obscures de cet idiot. Tel est tout le secret de sa gloire universelle et de sa puissance.

Ayant un jour à le caractériser dans un journal de néant, je le nommai « l’Oracle des mufles ». Cette trouvaille remonte à cinq ans et j’avoue n’avoir pas encore cessé d’en être fier. Je disais, à peu près, que Francisque Sarcey représente pour ses fidèles une incarnation divine de ce Sens Commun qui doit racheter tous les mufles, — ces derniers étant toujours assurés de rencontrer en leur prophète un exact speculum de leur muflerie radieuse, à l’occasion de toute réalité scrutable, puisque Sarcey est universel.

Ce sens commun personnifié s’ajuste et se colle comme un emplâtre à la littérature, à la grammaire, à l’art, à la politique, à la philosophie. Son infaillible triomphe consiste à glorifier l’atome par le rapetissement de l’immensité. Rien de plus irrésistible sur le mufle ambiant.

En effet, si l’on veut prendre la peine de considérer la nature humaine et le besoin continuel de réconfort du fragile spéculateur engagé dans les rudes chemins de la vie, on verra d’un œil équitable l’attendrissante situation de ce martyr, exténué de la quotidienne fatigue d’un sale négoce, et venant demander à son vieux derviche une conférencière parole qui lui rende un peu d’énergie pour les tripotages du lendemain.