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VII

Le présent ouvrage n’est pas, à proprement parler, un livre de critique. Je ne sens pas en moi les facultés indispensables à l’exercice d’une si haute magistrature et je n’y ai jamais prétendu. D’ailleurs, j’ose m’accuser de sottises tellement énormes qu’il sera peu facile de me supposer l’intention perfide ou le cauteleux dessein de supplanter les Aruspices.

Je ne suis rien de plus qu’un très-humble et très-ingénu vociférateur. Tel est mon infime emploi dans la grande musique funèbre de ce temps.

Pénétré de mon rôle et profondément convaincu que c’est la France intellectuelle qu’on porte en terre, je marche un peu en avant des chevaux caparaçonnés et je pousse, tous les vingt pas, de vastes et consciencieuses clameurs, — pour un nul salaire.

Derrière le char et dans la putride coulée du cadavre s’égouttant à travers les joints du cercueil, viennent les gros instruments soufflés par des compagnons qui n’engendrent point la mélancolie, je vous en réponds, et qui ne croient pas du tout que ce soit la fin des fins. Ils se congratulent et se mitonnent réciproquement, dans la puanteur sonore. Ils se sont arrangés pour hériter de la défunte qu’ils ont, d’ailleurs, empoisonnée de leurs sécrétions, et leurs intestins regorgent de leur allégresse.