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En attendant, je me résignerai donc, moi aussi, à manquer d’éloquence littéraire, ainsi que le déclare l’auteur du Jardin de Bérénice quand il entame la « description des couches profondes de sa sensibilité ».

« Je veux, dit-il, que l’on me considère comme un maître ou rien. » Mon choix est fait, je m’arrête volontiers à la seconde considération. En tant que rien, je ne lui marchanderai pas la louange. Il est difficile d’être rien du tout avec plus de perfection ou de profondeur, et de débobiner le néant avec plus de verve et de pétulance.

Je trouve très-beau, ma foi ! qu’un jeune homme « contraint par la vie à fréquenter des êtres qui ne sont pas de sa patrie psychique » parce qu’il est doué d’une âme infiniment sensible, et réduit à se réfugier dans l’ironie, procédé littéraire qui lui est très-familier, se soit énergiquement déterminé à « créer l’univers ».

Cela prouve que, de bonne heure, il avait su s’opérer lui-même de « cette conviction, bonne pour des niais ou des indigents, qu’il est au monde quelque chose d’important ».

Le soir où une belle fille qu’il allait aimer — c’est lui-même qui l’a raconté — lui inspira de la répulsion quand il comprit que « réellement sa bouche avait faim », brusquement sa vocation éclata. Il sentit profondément que rien n’est sérieux au monde, qu’à la réserve du mandat de représentant, aspirer à quelque but, c’est oublier la sagesse et que le plus sûr, c’est d’être « le