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désigner par leurs noms les quatre tableaux : l’Étable de Bethléem — les Bergers aux champs — l’Étoile des Mages — l’Adoration.

La simplicité de ces choses est telle qu’en comparaison, le babil des petits enfants est transcendant et logarithmique. C’est un paradoxe, une utopie de simplicité !

Connaissez-vous, en littérature, un don plus rare ? La simplicité de Bouchor est si merveilleuse qu’il peut, sans inconvénient, délier la langue des bêtes et leur donner jusqu’à la puissance de prophétiser et de convertir.

Thomassin dit quelque part : « Je ne désespère pas tout à fait des animaux brutes. Il ne me paraît pas impossible que je les voie quelque jour penchés et adorants. » Maurice Bouchor qui n’a sans doute pas lu cet oratorien célèbre, pense comme lui, instinctivement, et cela seul confère à son très-candide poème une irrésistible vertu d’attendrir.

Rien n’égale la douceur de cet initial tableau qui détermine souverainement et du premier coup l’orientation du drame, où les rôles importants sont tenus par le bœuf et l’âne, après que l’archange Gabriel leur a départi le langage humain.

L’allégresse infiniment humble de ces animaux sans péché qui n’en peuvent plus de savoir que Jésus va naître, est pénétrante comme la lumière. L’âme vaseuse du spectateur est subitement clarifiée.