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De plus en plus, il semble se dégager de la société contemporaine une haleine de prohibition absolue contre ces réfractaires à l’universelle ignominie. Les voyous devenus nos maîtres, depuis environ trente ans, ont édicté la salauderie nationale et obligatoire dont le premier et unique article est de conspuer tout ce qui fit la grandeur morale et l’espérance des hommes.

Le cœur humain est devenu, aujourd’hui, un abominable vase orné, tout au fond, d’un œil grand ouvert. Non pas le même œil qui regardait Caïn dans la tombe et que Victor Hugo nomme la Conscience. Les oculistes ont changé tout ça. L’œil de la conscience est allé rejoindre l’Œil de la Foi, lequel ne guide plus aujourd’hui qu’un petit nombre d’aveugles chassieux égarés dans les catacombes.

C’est un œil, celui-là, qui est tout à fait à sa place dans l’ordure qu’on peut présumer, et je ne vois pas le moyen de le nommer autrement que l’œil de l’Envie. Et quelle envie ! Ne dormant ni ne se reposant jamais, ne donnant rien, ne pardonnant rien, ne supportant rien de ce qui peut passer, à n’importe quel titre, pour supérieur ! C’est bien là le vrai fond des âmes.

Salir les plus nobles êtres, les plus grandes choses et Dieu même, autant qu’il se peut, cela, sans doute, s’est toujours fait. Mais, en d’autres temps, il y avait une pénalité plus ou moins redoutable, une énergie répressive quelconque