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moindre effort commercial ne fut accompli pour en débiter un seul exemplaire.

Lorsqu’un nécessiteux d’idéal, à grand’peine informé, débarquait dans la boutique de la rue des Saints-Pères, son argent au bout des doigts, briguant le privilège d’émanciper la brochure, il semblait, — tant le postulat était inouï, — qu’on eût affaire à quelque noceur en délire, fourvoyé là par la plus insolite erreur et demandant une priapée !…

Un épidémique balbutiement sévissait aussitôt sur les commis épouvantés. Les vendeurs en détresse et les pâlissants comptables s’agitaient et s’ahurissaient en de rapides colloques ou d’inefficaces délibérations. De claquantes portes voltigeaient, soufflant au visage de l’affronteur, du fond d’antres inexplorés, les chastes courants d’air de la plus boréale circonspection. Tout à coup, un Éliacin de l’étalage ou quelque bombyx incitateur préposé aux pieux rossignols, apparaissait, se déclarant investi pour certifier à l’impétrant l’inexistence regrettable de l’ouvrage sollicité. Bref, il fallait que cet obstiné client notifiât le dessein préconçu de ne pas s’en aller du tout sans son exemplaire, pour que, de guerre lasse, on se décidât à l’en gratifier, moyennant finance, en levant au ciel des yeux affligés.

Enfin, ce drame grotesque durerait encore, si l’intrépide éditeur des autres livres de Paul Verlaine, M. Léon Vanier, n’avait acquis celui-là de la Librairie catholique, enchantée proba-