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s’en dépêtrer. Cet éperdu de la Gloire du Dieu vivant ayant incontestablement de grandes choses à dire, il était assez naturel qu’il souffrît de n’être pas écouté et que cette souffrance fût à la mesure de ses pensées. Je ne me scandalise donc pas autrement de sa pitié pour cette catégorie d’indigents affamés du Beau que les grands hommes ont le devoir de saturer et qui mendient en vain leur pitance de sublime, quand les grands hommes sont absents ou sacrifiés. « L’admiration, disait-il, est un pauvre qui demande son pain, comme les autres. »

N’est-il pas misérable, d’ailleurs, et cent fois imbécile, de faire le procès à la personnalité d’un artiste, de lui reprocher son essentielle façon d’être, sans laquelle il ne serait pas même le dernier des hommes et ne mériterait pas de ronger les glands dédaignés par les pourceaux ?

Les personnalités de cette étonnante espèce sont des mamelles pour un grand nombre et leur nourricière splendeur jaillit miséricordieusement autour d’elles du fond de leurs insolites gouffres, comme l’eau brûlante des geysers.

« La petite critique n’osera jamais dire devant l’œuvre d’un homme encore ignoré : Voilà la gloire et le génie ! Voit-elle un homme débordant de vie et d’amour, elle l’entoure d’un cimetière… Le génie est la seule souffrance qui ne trouve nulle part de pitié, pas même chez les femmes… Elles aiment ce qui brille, elles n’aiment pas ce qui resplendit. »