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pas, toujours exterminé d’avance par le grotesque transcendant de sa personne physique, Ernest Hello promenait avec lui, dans d’incirconscrites étendues, l’originalité la plus furieuse qui se pût rêver.

Son âme étant faible, il ne parvint pas à se consoler d’être sans gloire et de paraître choisi pour assumer toutes les disgrâces du génie dans l’obscurité. Vers la fin, on ne réussissait pas à se le représenter comme ayant jamais été vraiment jeune, tant il semblait courbatu de ses illusions à vau-l’eau, grabataire de ses espérances déçues.

Il appartenait à cette théorie trois fois lamentable des vieux débutants qui défile, suivant des rites si lugubres, à travers les entrecolonnements plus ou moins austères du grand journalisme. Il a pourtant écrit et publié une dizaine de volumes et un nombre infini d’articles, en l’espace de vingt ans. La critique a parlé de lui, quelquefois même avec un certain faste. N’importe, la célébrité ne vint pas, la gloire encore moins, et, par malheur, il n’était pas en son pouvoir d’accepter qu’il en fût ainsi.

Il faudrait un tragique grec pour raconter les douleurs de ce chrétien que le seul mot de résignation faisait éclater en rugissements et qui croyait sincèrement que la Gloire de Dieu sortirait de sa propre gloire. Mais laissons ce propos dont quelques greffiers de sacristie ont indignement abusé pour exaspérer un homme malheureux dont la grandeur épouvantait leur