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église d’autrefois pour demander au tabernacle pacifique, aux dalles sonores, aux douces murailles, aux vitraux naïfs, le secret de palpiter une fois, une seule fois, à la façon des êtres humains, avant d’aller sous la terre.

Il apporta tout ce qu’il possédait, ses dictionnaires et son outillage compliqué de forgeur de phrases, pour que cela fût trempé de lumière et fût béni, comme ces innocents bestiaux qu’aux pays de foi, les paysans conduisent au seuil des chapelles pour que Dieu leur donne la fécondité.

Il reçut en retour le simple esprit qu’il fallait à l’enlumineur de l’histoire du beau saint Julien.

Il put exprimer enfin l’amour candide, la sacrée douleur, la pauvreté sainte, la compassion déchirante et les extases de l’adoration…

Ce superbe Vulcain de la rhétorique infernale qui ne savait pas prier, devint le père d’une Oraison d’Art devant laquelle pâlissent les littératures, — pour son salaire, je le crois, de n’avoir jamais fait de prostitution et d’avoir aimé la Beauté jusqu’au point de lui sacrifier l’ankylose de ses inflexibles genoux d’impie.

Le grand aveugle Flaubert ayant tâtonné par tout l’univers, vint, en pleurant, s’abattre un soir au pied de la Croix et le doux Seigneur des très-pauvres gens lui conféra débonnairement le viatique d’immortalité dans une besace lumineuse !


Octave des Morts, 1890.