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1202 LIVRETS, 5-7. LIVRETS, 8-15.

moyen de mettre les ouvriers hors d’état de les quitter, en leur faisant de fortes avances qu’il leur était impossible de rembourser ; c’était encourager en outre l’imprévoyance et la dissipation. Les critiques et les réclamations qui s’élevèrent finirent par amener une loi du 14 mai 1851, destinée à corriger l’abus des avances. D’après cette loi, l’ouvrier qui a terminé et livré l’ouvrage qu’il s’était engagé à faire, qui a travaillé pendant le temps réglé, soit par le contrat de louage, soit par l’usage des lieux, ou à qui le patron refuse de l’ouvrage ou un salaire, a le droit d’exiger la délivrance du congé d’acquit, lors même qu’il n’a pas acquitté les avances qu’il a reçues (art. 2). Le congé peut être refusé tant que le travail n’est pas terminé et livré, à moins que l’ouvrier, pour des causes indépendantes de sa volonté, ne soit hors d’état de travailler ou de remplir les conditions de son contrat (art. 3). Les avances ne peuvent être inscrites et ne sont remboursables au moyen de la retenue que jusqu’à concurrence de 30 fr., et la retenue est limitée au dixième du salaire journalier (art. 4 et 5). Quant à la juridiction en cas de contestation, voir n° 21.

. A l’occasion des abus des avances, les livrets eux-mêmes furent attaqués comme étant gênants et inutiles ; mais, loin de prendre en considération ces critiques, onjugeaàpropos, en 1 851, de rendre l’obligation du livret plus rigoureuse, afin de suivre les mouvements des ouvriers ; les femmes furent soumises à cette obligation comme les hommes ; les patrons eurent à remplir des formalités nouvelles, et à la sanction civile, dont s’était contenté le législateur de l’an XII, vint s’ajouter une sanction pénale, applicable tant aux ouvriers qu’aux patrons. A Paris, en outre, une ordonnance de police obligea tout patron qui recevrait un ouvrier à faire viser par le commissaire de police, dans les 24 heures, la mention de l’entrée inscrite sur le livret. Cette législation occasionna de tels mécomptes qu’on se décida en 1869 à faire une enquête, à la suite de laquelle le Gouvernement présenta un projet de loi qui, en abrogeant la loi de 1851 et celle de 1854, soumettait aux règles du droit commun le contrat de louage d’ouvrage entre les patrons et les ouvriers, et donnait la faculté de constater ce contrat par un livret conventionnel qui pourrait servir de passe-port.

6. L’Exposé des motifs justifiait pleinement cette proposition. Beaucoup d industries étaient restées en dehors de l’application de la loi, et il se manifestait une tendance de plus en plus générale à s’y soustraire. Aucune condamnation n’avait jamais été prononcée. On faisait observer que Je livret ne servait ni d’instrument constatant le contrat de louage, puisqu’it ne renferme aucune condition, ni de certificat, puisqu’il ne doit contenir aucune note sur le porteur qu’il n’est conforme ni au principe de l’égalité, ni à celui de la liberté du travail que l’abandon d’un patron par un ouvrier et la réception de cet ouvrier par un autre patron ne portent atteinte ni à l’ordre public, ni à l’intérêt social ; qu’il n’y a donc pas là matière à une peine.

. L’affaire fut interrompue par les événements, mais la loi de 1854 reçut une atteinte dont elle ne saurait se relever. Toutefois nous devons indiquer les principales dispositions de cette loi et du décret rendu le 30 avril 1855 pour régler les mesures d’exécution.

. Tous ouvriers et ouvrières de l’industrie doivent être munis d’un livret. Sont seuls exceptés les ouvriers qui sont membres d’une société de secours mutuels approuvée.

. Les livrets sont délivrés par les maires et par le préfet de police dans le ressort de sa préfecture, et à Lyon, par le préfet du Rhône. La forme et le contenu sont réglés par un décret du 30 avril 1855.

Il ne doit être perçu, pour la délivrance, que le prix de confection, et ce prix ne peut dépasser 25 centimes.

. Lorsqu’un ouvrier demande un premier livret, l’autorité compétente constate son identité et sa position ; elle est juge des justifications qui doivent être produites suivant les circonstances, et elle peut «*iger que l’ouvrier souscrive une déclaration dont la sanction se trouve dans l’art. 13 de laloi du 22 juin 1854, rnais en ayant soin de lui donner lecture de cet article, qui est ainsi conçu : "Tout ouvrier coupable de s’être fait délivrer un livret, soit sous un faux nom, soit au moyen de fausses déclarations ou de faux certificats, ou d’avoir fait usage d’un livret qui ne lui appartient pas, est puni d un emprisonnement de trois mois à un an. »

. Tout ouvrier qui entre dans un établissement industriel doit présenter un livret en règle, afin que le chef d’établissement y inscrive la date de son entrée. De même, tout ouvrier qui travaille habituellement pour plusieurs patrons, doit leur présenter son livret lorsqu’ils lui confient de l’ouvrage, afin que chacun d’eux inscrive précisément le jour où ce fait a lieu. Puis le livret est remis à l’ouvrier et reste entre ses mains, à la condition de le représenter à toute réquisition des agents de l’autorité.

. Les livrets perdus ou remplis, ou hors d’état de servir, sont remplacés avec les mêmes formalités que pour les premiers.

. L’ouvrier qui ne travaille que pour un seul établissement et qui vient à le quitter, doit présenter son livret à son patron, afin que ce dernier y inscrive la date de la sortie, l’acquit des engagements, et, s’il y a lieu, le montant des avances dont l’ouvrier resterait débiteur envers lui. (Voy. n" 4.) Quant à l’ouvrier qui travaille habituellement pour plusieurs patrons, il n’est pas nécessaire que l’acquit de ses engagements soit porté sur son livret, pour qu’il puisse obtenir du travail d’un ou de plusieurs autres chefs d’établissement. 14. Le livret peut servir de passe-port à l’intérieur, moyennant le visa du fonctionnaire qui serait chargé de le délivrer (»° 9). Le visa est gratuit il n’est accordé que sur la mention de l’acquit des engagements, et il ne peut l’être si l’ouvrier a interrompu l’exercice de sa profession, ou s’il s’est écoulé plus d’une année depuis le dernier certificat de sortie. (D. 30 avril 1855.) 15. Les livrets délivrés aux ouvriers qui se trouvent sous la surveillance de la haute police ne portent aucune indication de la situation légale de ces ouvriers. Mais lorsque l’un d’eux obtient