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et en attendant le médecin, le patient meurt à côté du blanc d’œuf qui pouvait lui rendre la vie.

Si tant de choses nous sont encore inconnues, du moins à la plupart, ce n’est pas, Messieurs, que l’intelligence manque dans notre pays, aux enfants non plus qu’aux hommes faits, loin de là : mais c’est qu’on ne nous les a pas apprises. Et à ce sujet permettez-moi, dussé-je encourir une fois encore le reproche de digression, de vous rapporter un fait qui m’est personnel.

En 1815, je vivais à la campagne de mon père lorsque les armées étrangères envahirent notre malheureuse France. Affligé du spectacle de cette invasion et de tous les malheurs qu’elle entraînait avec elle, je résolus, pour me distraire des tristes réflexions que les événements m’inspiraient, de me faire maître d’école.

Il existait dans le pays depuis un temps fort reculé toute une descendance de magisters incapables et illettrés qui avait le privilège d’abrutir l’esprit et l’intelligence des enfants de la commune, et de leur apprendre à ne pas savoir lire. Je fis savoir à l’issue de la messe que tels jours de la semaine et de telle heure à telle l’heure je recevrais dans une salle bien chauffée tous ceux qui voudraient venir ; le matin les garçons et le soir les filles, et que je leur montrerais à lire, à écrire, etc. Comme mes leçons étaient gratuites et que probablement on avait plus de confiance en mon savoir qu’en celui du vieux maître d’école, on vint à moi de tous côtés ; non seulement