Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fanatisme de cet homme, telle sa résolution implacable. Les dépositions commencèrent, et il en résulta qu’à une exaltation politique poussée jusqu’à la fureur Alibaud joignait une extrême aménité de mœurs et de caractère, une sensibilité profonde, une probité courageuse, et cette flamme intérieure qui porte l’homme à se prodiguer. Enfant et ne sachant pas encore nager, il s’était précipité dans les flots pour en retirer un autre enfant, avec lequel il faillit périr ; à dix-sept ans se trouvant à Narbonne, il avait sauvé une jeune fille qui se noyait, et l’avait ramenée sur le rivage aux acclamations d’une foule nombreuse ; sous-officier à Strasbourg, il avait affronté et subi la sévérité d’un châtiment militaire pour s’être dévoué, dans une rixe, au salut de quelques-uns de ses camarades. Voilà ce que divers témoins vinrent affirmer. Il y en eut qui l’avouèrent hautement pour ami. À propos des insinuations dirigées contre sa vie privée, un de ses anciens compagnons d’armes s’écria impétueusement qu’on l’avait calomnié, et à ce cri d’une conviction sans peur, l’assemblée ayant paru diversement agitée, « oui, Messieurs, reprit le témoin avec énergie, je jure qu’on l’a calomnié, et toutes les puissances du monde ne me feraient pas dire le contraire. »

Un seul jour fut employé à l’audition des témoins. L’accusé n’avait pas eu le temps de convoquer tous ceux qui lui étaient favorables, la Cour des pairs ayant abrégé, pour Alibaud, malgré les vives protestations de son défenseur, les délais prescrits par la loi.