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une terre hospitalière : tous les malheurs y ont trouvé un refuge, toutes les grandeurs déchues, toutes les espérances trompées, un abri et souvent le repos.

Personne n’est plus intéressée que la Suisse elle-même à ce que ce titre d’honneur se conserve pur de toute souillure. Aussi peut-on s’en rapporter à son intérêt pour se persuader que sa vigilance ne négligera aucun moyen d’empêcher les étrangers d’abuser de son hospitalité.

Elle l’a prouvé en rompant les trames ourdies par des réfugiés. Le Directoire, organe des sentiments qui unissent la Confédération aux États avec lesquels elle aime à entretenir des relations de bon voisinage, s’est empressé d’informer la France, par sa note du 22 juin, de la découverte faite et de la poursuite commencée.

La Suisse entière a donc dû éprouver un sentiment de surprise lorsque le Directoire a reçu, en réponse à une communication amicale, une note dans laquelle le ton du reproche est à peine adouci par la bienveillante amitié dont la France y fait encore profession pour la Suisse, et dont l’expression sincère est le seul langage auquel la Confédération ait été accoutumée de la part de cet État, son puissant voisin.

En réponse à la communication des mesures prises contre les réfugiés dont la Suisse venait de déjouer les desseins, en réponse à une demande de coopération pour l’expulsion des coupables, la note de M. l’ambassadeur suppose que les gages que l’Europe attend de la Suisse pourraient se borner à des déclarations !

La Confédération ne devait surtout pas s’attendre à voir la France se faire un grief contre elle des complots tramés dans quelques cantons. En effet, les enquêtes judiciaires et administratives ont prouvé jusqu’à l’évidence qu’aucun des complots constatés n’a été dirigé contre la France, mais qu’au contraire y ont été conçus ; que le foyer des conspirations est à Paris, que les ordres pour les milices secrètes des conspirateurs partent de Paris.

La France, par l’intermédiaire de M. le duc de Montebello, accuse la faible organisation de la police suisse, avec laquelle elle fait contraster sa puissante organisation administrative, sa force militaire, et les moyens de police dont elle dispose.

Comment se fait-il donc que les cantons et le Vorort aient découvert d’eux-mêmes les projets signalés avec tant de soin par la France, qu’ils aient expulsé un grand nombre de coupables, et livré quelques autres aux tribunaux, tandis que la France n’a pas encore pu atteindre les chefs, ni découvrir le principe du mal caché dans son sein ? Comment se fait-il que, précédemment déjà, elle n’ait ni prévu ni empêché l’évasion armée de plusieurs centaines de Polonais, et leur invasion en Suisse, et qu’elle n’ait pas davantage su arrêter sur son territoire le corps de réfugiés qui pénétra en Savoie sous les ordres de Ramorino ?

Si la Suisse réprime les étrangers dont les intentions criminelles se sont trahies par des actes appréciables, elle ne saurait faire de même à l’égard de ceux dont on soupçonne simplement que les desseins se lient tout au moins d’intention et d’espérance à des crimes tentés