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Or, voici quelle était, à l’égard de Constantinople et d’Alexandrie, la situation respective des cinq grandes Puissances européennes.

La Russie dominait l’événement. Le pied sur Constantinople, peu lui importait qu’entre les deux rivaux ce fût la paix ou la guerre. Dans le premier cas, elle avait pour lui répondre de sa domination l’état d’anxiété et d’épuisement où le statu quo retenait la Turquie. Dans le second, Ibrahim faisant un pas en avant, un seul pas, lui était un prétexte pour courir au Bosphore. Elle n’avait donc à s’inquiéter de rien. Seulement, pour se parer des dehors de la modération, et par pudeur, elle demandait le maintien de la paix.

C’est ce que demandait aussi la Prusse, mais uniquement par crainte des hasards. Car sur le théâtre qui venait de s’ouvrir, il n’y avait pas de rôle pour elle.

Il n’en était pas ainsi de l’Autriche, directement intéressée à défendre contre l’ambition russe l’embouchure du Danube. D’ailleurs, M. de Metternich mettait sa gloire à préserver de toute secousse l’équilibre européen fondé en 1815, et les approches d’un conflit alarmaient sa politique circonspecte. Parvenu à l’âge où l’on a besoin de repos, il semblait dire, à l’exemple de Louis XIV : « cela durera bien toujours autant que moi ». L’Autriche s’employait donc à calmer l’irritation belliqueuse de Mahmoud, sans cacher qu’elle préférait le sultan, souverain légitime, au vice-roi, sujet rebelle.

Pour ce qui est de l’Angleterre, elle portait à Méhémet-Ali une haine systématique, implacable. Elle