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qui faisait de lui un caractère à part, et qui se retrouvait jusque dans son costume, moitié frac et moitié soutane ! Ses manières étaient onctueuses et ses paroles remplies de miel ; mais dans l’expression caressante de son regard la fermeté perçait, et sa physionomie annonçait la résolution, quoique habituellement amollie par un sourire insinuant. Il apportait, du reste, beaucoup de soin à se donner les dehors de la modération. Sa polémique, toujours subtile, était en général exempte de brutalité ; et il excellait à embarrasser ses adversaires par de longues citations, des rapprochements, des sophismes naïvement présentés, des attaques doucereuses et une dialectique de théologien. La révolution de juillet ayant mis à nu les fautes de la Restauration, souvent dénoncées par M. de Genoude, il en avait profité pour s’imposer aux légitimistes, dont il traitait les préjugés sans ménagement, et qu’il traînait à sa suite d’une main vigoureuse. S’il se montrait quelquefois violent, c’était à l’égard de son propre parti ; mais, à l’égard du parti démocratique, dont il aurait voulu absorber la popularité et vers lequel il se sentait entraîné par un penchant secret, rien n’égalait l’habileté de ses prévenances et sa courtoisie. Il faisait aux chefs républicains des avances continuelles, résistant à leurs refus, s’étudiant à désarmer leurs défiances, les engageant bon gré mal gré dans ses tentatives et se disant plus jaloux de leur estime que de celle des premiers souverains de l’Europe. Jamais homme ne sut mieux mettre à profit toute chose. Il disposait d’un journal, et, par calcul, il en faisait l’écho des