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l’entourage du prince un inexprimable sujet de surprise et de douleur. Que M. de Talleyrand eût fait intervenir dans ses adieux à la vie la religion et les ordinaires pratiques du culte, des hommes comme MM. Thiers et Mignet ne pouvaient trouver cela que très-convenable et très-décent ; mais dans la rétractation publique imposée au vieillard par qui la messe du Champ-de-Mars fut célébrée, il y avait, suivant eux, un outrage à l’ensemble des traditions révolutionnaires, et ils s’en indignaient. La colère était grande surtout chez M. de Montrond, homme d’État anonyme et génie clandestin, roué sans égal, perdu de mœurs et de dettes, possédant au plus haut degré la grâce dans l’impertinence et le dandysme de l’incrédulité, causeur étincelant d’ailleurs, ami du roi, et bien supérieur à M. de Talleyrand, duquel il disait : « Qui ne l’adorerait ? il est si vicieux ! » M. de Montrond mit à disputer aux prêtres son complice mourant une ardeur passionnée et violente. Tout fut inutile.

M. de Talleyrand avait toujours eu beaucoup de goût pour M. Thiers et pour M. Mignet. Il aimait leur genre de talent, l’originalité de leur fraternelle fortune ; et il flattait en eux des historiens ; car ce sceptique, si profond et si complet en apparence, se préoccupait avec une anxiété presque puérile du jugement que porterait sur lui la postérité. À son tour, M. Thiers avait été sensible aux avances faites à son mérite plébéien par un grand-seigneur de la révolution. Il est vrai qu’au sujet du traité de la Quadruple-Alliance leurs relations s’étaient un peu refroidies, mais enfin elles ne s’étaient pas rompues,