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voir qui dure puise des forces dans sa seule durée quelque débile que paraisse le ministère Mole, si on le laisse vivre, on commet une faute et l’on perd une chance.

Au sein de tels débats, M. Thiers n’était point sans éprouver un certain trouble dont il ne s’avouait peut-être pas la cause. D’une part, il s’irritait de voir les affaires de l’État conduites, sans lui et en dehors de lui, par des hommes auxquels il se croyait bien supérieur. De l’autre, il tremblait de combattre pour le compte des doctrinaires et de leur chef, hommes résolus et opiniâtres, qui, une fois maîtres du pouvoir, sauraient le garder et le défendre. Aussi se sentait-il porté à soutenir momentanément un Cabinet que son insuffisance même livrait à la merci de ses protecteurs, et qu’on serait toujours à temps de faire disparaître. Ajoutez à cela que M. Thiers avait promis au roi de ménager M. Molé, et que, par une faiblesse naturelle au cœur humain, il croyait suivre les inspirations de sa loyauté en cédant aux conseils de son ambition.

Les sollicitations, d’ailleurs, et les encouragements ne devaient pas lui manquer. Le lendemain, M. de Talleyrand intervint auprès de lui ; on l’entoura de prières flatteuses ; on eut recours contre ce qui lui restait d’incertitude, à ces influences de salon toujours si puissantes dans les monarchies ; et l’on parvint de la sorte à lui faire promettre, non seulement qu’il voterait pour le ministère, mais qu’il irait l’appuyer à la tribune.

Les doctrinaires avaient un instant compté, sinon sur l’alliance offensive de M. Thiers, du moins sur