Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les clameurs de la rue étaient tombées et qu’on n’entendait plus autour de soi le choc des partis armés du glaive ? Comme si l’esprit révolutionnaire n’avait qu’à s’apaiser pour qu’on le jugeât mort ; comme s’il n’existait point partout : au sein des classes pauvres, rongées par l’envie ; au centre des ateliers, depuis long-temps remplis du bruit des systèmes d’égalité dans le peuple entier, auquel il ne restait plus d’autre frein que le frein du travail ; au fond des institutions représentatives enfin, qui avaient organisé la lutte, glorieuse sans doute et désirable mais terrible, du vrai et du faux, des bons instincts et des passions anarchiques. Il fallait donc se tenir en garde, veiller au maintien des lois répressives, discipliner les fonctionnaires, raffermir le pouvoir.

Ainsi, dans la société à conduire, M. Guizot ne voyait qu’une bataille à livrer ! Cette foule à ses pieds gémissante, la foule sainte des ignorants et des faibles, des pauvres et des journaliers, il croyait que, pour la contenir il suffirait de peser un peu plus sur elle ! Le travail est un frein, osait-il dire, espérant sans doute que la faim serait pour le prolétaire des sociétés modernes ce qu’avaient été le fatalisme pour l’esclave antique et le dogme de la résignation pour le serf du moyen-âge. Et il ne comprenait pas que prévenir les révolutions dispense de les calomnier, il ne comprenait pas que l’éternité de la souffrance en bas, c’est en haut l’éternité de la peur Nous l’avons entendu, ce discours : nous étions là. Et, il nous en souvient, pendant que l’assemblée s’agitait à la voix de l’orateur ; l’esprit en