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Au dehors, l’émotion allait croissant. La ville retentissait de vœux formés en chœur pour l’acquittement des accusés. On entendit crier dans les rues Vivent les opinions du lieutenant Laity ! Un procès gagné en quelque sorte par l’ombre auguste de Napoléon était, aux yeux des bonapartistes, une merveilleuse victoire. Les républicains brulaient de voir l’autorité morale du roi régnant affaiblie et décriée. Plusieurs ne poursuivaient que l’humiliation du ministère. Et chacun de masquer les conseils de la haine ou les entraînements de la passion en invoquant le principe de l’égalité. Car, pouvait-on frapper les complices de Louis Bonaparte, quand Louis Bonaparte lui-même était élevé au-dessus du châtiment ? Ici l’injustice paraissait toucher au scandale. Aussi, s’en expliquait-on bruyamment dans les salons, dans les cafés, dans les hôtels, dans les brasseries. Et les jurés n’allaient nulle part sans traverser des impressions dont il fallait subir l’empire.

Il n’était pas jusqu’au choix des avocats qui ne fût de nature à protéger puissamment les accusés. M. Ferdinand Barrot portait un nom illustré par les luttes politiques ; M. Parquin, membre célèbre du barreau de Paris, se présentait pour défendre la vie ou la liberté d’un frère ; M. Thierret jouissait d’une grande réputation de science ; l’avocat de M Gordon, M. Liechtemberger, avait acquis dans l’Alsace l’influence de la vertu colorée par le talent. Quant à M. Martin (de Strasbourg), il n’avait pas encore atteint à la réputation qu’il devait acquérir plus tard mais déjà l’on pouvait aimer et estimer en lui un républicain sans reproche, un homme en