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que quelques Arabes occupés çà et là au travail des champs. Mais, dans la journée du 20, des cavaliers menaçants parurent sur les hauteurs, et des coups de fusil retentirent. Il fut permis alors aux plus résolus d’avoir de sombres pressentiments, le défaut de munitions et de vivres ne permettant pas une longue lutte. Dans la nuit, la pluie, la neige et la grêle étaient tombées avec violence ; plusieurs soldats avaient eu les pieds gelés, d’autres étaient morts de froid ; aperçue déjà dans le lointain, Constantine semblait reculer devant les troupes. Enfin le 21 novembre à midi, les mamelons qui la cachaient ayant été successivement franchis elle se dressa tout-à-coup aux yeux des soldats, protégée par un ravin d’une profondeur immense au fond duquel mugissait l’Oued-Rummel, et qui présentait pour escarpe et contre-escarpe un roc taillé à pic. Le maréchal s’attendait à trouver les portes ouvertes : illusion trop obstinément caressée, que dissipèrent bien vite deux coups de canon partis du rempart et le drapeau rouge arboré sur la principale batterie de la place !

Or, l’armée arrivait, épuisée par neuf jours de marche pendant lesquels il avait fallu sans cesse lutter contre l’hiver en furie, abattre les arbres, casser les roches, rendre praticables à l’artillerie et aux voitures les rampes des montagnes. Les vêtements étaient trempés de pluie. Nul moyen de bivouaquer autre part que dans la fange. Les bagages restaient embourbés une demi-lieue en arrière. La neige tombait à gros flocons. On n’avait presque plus de vivres.