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par héritage ; c’était comme membre de la tribu, sur la désignation du cheick, et sans autre droit que celui du travail, qu’il cultivait la terre. Car, d’après leKoran, la terre n’appartient qu’à Dieu ou à son vicaire ici-bas, le Sultan, et elle est à qui la féconde. Ainsi, pour l’Arabe du Tell, pas d’habitation stable mais des tentes qui protégeaient la moisson et des silos où allaient s’enfouir les grains.

Autre était l’existence des tribus répandues au sud des dernières chaines de montagnes, dans le pays des Palmes, limité par le désert. Composées de pasteurs, ces tribus obéissaient à un régime de pérégrination annuel, régulier, prescrit par le climat et la nature des productions. Après avoir passé dans leurs landes l’hiver et le printemps, époques favorables aux pâturages, les ambulantes cités du Sahara s’avançaient vers le nord, à la fin du printemps, suivies de chameaux chargés d’étoffés de laine et de dattes, et elles allaient échanger ces produits de l’Algérie du sud contre les céréales des cultivateurs du Tell.

De là, pour les Français, conquérants du littoral, une indication de la plus haute importance. Puisque, chaque année, un mouvement nécessaire et pacifique entraînait vers le nord l’Algérie méridionale, l’attirer et l’attendre valait mieux que l’aller chercher en la menaçant. Comment, d’ailleurs, pénétrer par les armes dans l’intérieur ? Comment franchir, sans les inonder de sang, les montagnes, remparts naturels et redoutables, défendus par des Kabyles en qui revivaient l’audace et l’agilité des anciens Numides ?