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Espagne, mais il pensait que, puisqu’on s’était engagé par un traité, il fallait faire honneur à la signature de la France. Il parla en ce sens avec une fermeté et une franchise militaire dont le roi se sentit ému sans en être ébranlé. Dès ce moment, le Cabinet du 22 février fut dissous.

M. Thiers, en quittant les affaires, avait de graves reproches à s’adresser. La scandaleuse occupation de Cracovie si long-temps soufferte, les avances de M. de Metternich légèrement acceptées, l’Angleterre mécontentée par la dépêche du 18 mars, la Suisse poursuivie odieusement, au nom et pour le compte des plus cruels ennemis de la révolution française, c’étaient là sans contredit des fautes capitales, des fautes dignes d’un blâme éternel. La partie honorable du ministère de M. Thiers est celle qui se rapporte à ses .luttes en faveur de l’Espagne. Il y déploya non-seulement de la fermeté, mais encore un désintéressement élevé et courageux. Ce n’était pas, il est vrai, la cause de la vraie démocratie qu’il entendait soutenir au-delà des Pyrénées ; mais il ne serait pas juste de faire peser sur son caractère et de reprocher à sa conduite ce qui ne fut que le tort de son opinion.

Il abandonnait, du reste, sans regret un pouvoir dont certaines influences, difficiles à dompter, lui avaient rendu la jouissance très-amère. Il s’était engagé dans l’affaire de Suisse parce qu’on lui avait laissé croire qu’à ce prix on lui accorderait l’intervention en Espagne, et il s’était vu ensuite trompé dans son espoir ; il avait cru qu’on n’aurait rien de caché pour lui, et l’affaire de l’espion Conseil était