Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dence la chambre du commerce, les maires de Lyon et ceux des trois villes-faubourgs. Il fut décidé dans cette séance que les bases d’un tarif seraient discutées contradictoirement entre vingt-deux ouvriers, dont douze avaient été déjà délégués par leurs camarades, et vingt-deux fabricants que la chambre de commerce désigna.

Rien n’était assurément plus conforme aux lois de la justice et de l’humanité. En supposant même que cette mesure n’eût pas été légale ; en supposant qu’elle n’eût pas été autorisée en 1789 par l’assemblée constituante, en 1793 sous la Convention, en 1811 sous l’Empire, n’était-elle pas impérieusement commandée par l’état des choses ? Plusieurs milliers d’ouvriers prouvaient, par l’excès de leur misère, tout ce qu’il peut y avoir de tyrannie au fond de cette prétendue liberté de transactions que les fabricants invoquaient. Plusieurs milliers d’ouvriers menaçaient Lyon de leur désespoir. Fallait-il s’abstenir, entre les lois de l’humanité violées et la guerre civile devenue inévitable ? Le pouvoir qui, en de telles circonstances, ne sait pas être arbitraire, doit abdiquer. On est indigne de commander aux hommes quand, pour les sauver, on n’est pas capable d’oser beaucoup, et même, de jouer sa tête.

M. Bouvier-Dumolard aurait donc pu et dû fixer lui-même le tarif : il n’eut pas tant de hardiesse et il se contenta de mettre les deux parties en présence. Mais telle était alors l’étrange fausseté des notions qui s’étaient répandues dans le public, sur les droits du commerce et sur la liberté des transactions, que la conduite du préfet, toute timide et légale qu’elle