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en rapport avec plusieurs sociétés politiques, on lui laissait une liberté compromettante pour ses amis et pour lui-même. On l’arrêta enfin, et il fut traîné devant ses juges. C’était un de ces hommes que créent les circonstances. Plus passionné dans ses sentiments que scrupuleux dans sa conduite, et trop esclave de ses besoins pour avoir mené une jeunesse irréprochable, Jeanne portait en lui ce fonds de poésie et de sensibilité qui fait les héros d’un jour. Il s’était montré généreux et brave au plus haut point dans les barricades après avoir étonné ses ennemis, il étonna ses juges. Voici son interrogatoire :

« Le 5 du mois de juin, vous assistiez au convoi ? — Oui, Monsieur. — Sur les cinq heures, n’étiez-vous pas au carrefour St.-Méry ? — Oui, avec l’arme que j’étais allé prendre chez moi. — Vous avez travaillé à la barricade ? — Oui. Deux gardes nationaux avaient été tués près de moi sur le boulevard ; on avait tiré sur nous sans provocation : je courus à mes armes. — N’avez-vous pas, le premier, commandé le feu ? – Non, une balle venait de m’atteindre au milieu des reins et m’avait renversé. Je me suis levé toutefois, et j’ai tiré un coup de fusil, un seul, car ils avaient fui. — N’êtes-vous pas resté toute la nuit derrière la barricade ? — Oui, et je faisais feu. – Ne distribuiez-vous pas des cartouches ? — Oui, quand il en était besoin. — Le lendemain, vous avez tiré toute la journée ? – Toute la journée. — N’êtes-vous pas un de ceux qui tiraient, des croisées de la maison n° 30, à la fin de l’attaque ? — Oui. Quand on se rendit maître de la barricade,