Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour les Bourbons, purent apprendre, durant quinze ans, dans les angoisses de la misère, ce que valent tous ces rois et tous ces princes, égoïstes impitoyables, pour qui le dévouement d’un sujet n’est que le revenu d’un domaine.

Cependant, et à tout prendre, une insurrection était encore possible en Vendée. L’esprit mercantile n’y régnait que dans les villes et le long des grandes routes ; il n’avait que faiblement pénétré dans les campagnes, où s’était maintenue la double influence de la noblesse et du clergé. Et cette influence, un genre de mécontentement particulier à la province la rendait très-dangereuse. Les réfractaires, fort nombreux dans l’Ouest, s’étaient vus poursuivis, depuis 1830, avec une rigueur, légitime sans doute, mais qu’on ne pardonne qu’aux gouvernements vigoureux. De là des ferments de haine et de révolte. Les jeunes paysans, désignés par le sort, s’enfuyaient dans les bois, s’imposaient une vie dure et vagabonde, mettaient en commun leurs ressentiments, et s’accoutumaient à devenir implacables.

Une tolérance habilement calculée aurait pu conjurer tout danger. Mais les agents du gouvernement n’envoyaient à Paris que des rapports empreints d’une exagération ridicule. Accueillis dans l’Ouest avec un froid dédain par le parti légitimiste, qui laissait leurs salons déserts, et raillait leur importance bourgeoise, ils couvraient du prétexte du bien public les blessures de leur amour-propre, s’abaissaient à des persécutions mesquines, provoquaient de la part du pouvoir