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Un poids nouveau tombait dans un des plateaux de cette grande balance suspendue pendant tout le cours du moyen-âge entre le Pape et l’Empereur : ce fut du côté de l’empereur qu’elle pencha. Luther parut, l’ancien pouvoir spirituel fut à peu près dissous.

Le Pape, en effet, devenait hérétique, du moment que, dans la voie qui conduit à l’amélioration du sort de la classe la plus nombreuse, il se trouvait dépassé par le pouvoir temporel. Mais Luther était hérétique, de son côté, en faisant rétrograder la religion chrétienne jusqu’à son point de départ, en la rendant justiciable de César ; il était hérétique en bannissant du culte de l’Église réformée l’influence des arts, qui répondent à un des trois modes de la vie humaine, le sentiment.

Ainsi, pour Saint-Simon, le pouvoir religieux eût été celui qui, embrassant l’humanité en tout ce qui la constitue, l’aurait conduite vers le but chrétien, c’est-à-dire vers l’amélioration du sort de la classe la plus nombreuse : par le sentiment, en employant les artistes ; par la raison, en employant les savants ; par les actes, en employant les industriels. En ce sens, la papauté avait été un pouvoir spirituel, mais non pas un pouvoir religieux. Le Pape avait été jusqu’à Léon X, le chef des savants plutôt que le chef des prêtres. La religion était encore à fonder, et elle ne devait l’être que lorsqu’on aurait trouvé un système propre à faire concourir à un même but, sous l’impulsion d’un pouvoir doué tout à la fois d’un sentiment exquis, d’une science profonde, d’une activité infatigable, les artistes, les