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à elle-même, aurait-elle pourvu aux besoins moraux et intellectuels de l’humanité ?

Saint-Simon fit alors appel aux artistes. Mais, cette fois, reprenant toutes les idées que jusque-là il avait émises successivement et isolément, il les rassembla, les coordonna, et en fit, sous le nom de nouveau christianisme, la conception dont il devait léguer à quelques disciples aimés l’éclatant et laborieux héritage.

Jésus-Christ avait dit aux hommes : aimez vous les uns les autres comme des frères. Précepte admirable et touchant, mais formulé d’une manière vague, ainsi qu’il convenait à une époque où l’humanité se divisait en maîtres et en esclaves. L’esclavage détruit en partie, la pensée du Christ devait, suivant Saint-Simon, se traduire par cette belle et généreuse formule : l’amélioration physique et morale la plus rapide possible du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. C’était donc pour réaliser ce but qu’un pouvoir spirituel avait été institué, qu’il y avait eu dans le monde un vicaire du Christ, un Pape.

Mais pour faire prévaloir sa sublime doctrine, le Christ avait dû ménager César, qui possédait la force. Voilà pourquoi il avait dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Rendez à César ce qui appartient à César. » Ainsi était né du sein même de la régénération chrétienne ce grand dualisme qui caractérise l’histoire du moyen-âge : le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, l’Église et l’État, le Pape et l’Empereur. La direction des intérêts matériels de 1 humanité s’était trouvée de la sorte en