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DOCUMENTS HISTORIQUES.


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LETTRE DE LOUIS-PHILIPPE À L’EMPEREUR DE RUSSE. — ARRÊT DE LA COUR DES PAIRS CONTRE LES MINISTRES DE CHARLES X. — NOTE DE M. DE SAINT-AULAIRE AU CARDINAL BERNETTI.


LETTRE DE LOUIS-PHILIPPE À NICOLAS.


Monsieur mon frère,

J’annonce mon avènement à la couronne à votre majesté par la lettre que le général Athalin lui présentera en mon nom ; mais j’ai besoin de lui parler avec une entière confiance sur les suites de la catastrophe que j’aurais tant voulu prévenir.

Il y avait long-temps que je regrettais que le roi Charles et son gouvernement ne suivissent pas une marche mieux calculée pour répondre à l’attente et au vœu de la nation. J’étais bien loin, pourtant, de prévoir les prodigieux événements qui viennent de se passer, et je croyais même qu’à défaut de cette allure franche et loyale dans l’esprit de la Charte et de nos institutions, qu’il était impossible d’obtenir, il aurait suffi d’un peu de prudence et de modération, pour que ce gouvernement put aller long-temps comme il allait. Mais, depuis le 8 août 1829, la nouvelle composition du nouveau ministère m’avait fort alarmé. Je voyais à quel point cette composition était odieuse et suspecte à la nation, et je partageais l’inquiétude générale sur les mesures que nous devions en attendre. Néanmoins, l’attachement aux lois, l’amour de l’ordre ont fait de tels progrès en France que la résistance à ce ministère ne serait certainement pas sortie des voies parlementaires, si, dans son délire, ce ministère lui-même n’eût donné le fatal signal par la plus audacieuse violation de la Charte et par l’abolition de toutes les garanties de notre liberté nationale, pour lesquelles il n’est guère de Français qui ne soit prêt à verser son sang. Aucun excès n’a suivi cette lutte terrible.

Mais il était difficile qu’il n’en résultât pas quelque ébranlement dans notre état social et cette même exaltation des esprits, qui les avait détournés de tant de désordres, les portait en même temps vers des