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trouble s’empara de son esprit. Il tremblait pour Charles X, il trembla pour lui-même ; et à ses craintes, à ses douleurs, s’ajoutèrent bientôt toutes les angoisses de l’incertitude. Accablé d’ans et d’infirmités, avait-il le droit d’attendre, sans le précipiter par un dévouement inutile, l’accomplissement de sa destinée ? Ou bien, devait-il, se ranimant au souvenir des combats et des haines de sa jeunesse, aller rejoindre son infortuné maître et lui offrir, sinon les secours, du moins les consolations d’une fidélité sans peur ? La place d’un Condé est auprès du roi à l’heure du danger, murmuraient autour du prince ses plus ardents serviteurs, et à de moins fougueux encouragements M. de Choulot répondait : « Est-ce que le prince de Condé, en 1793, quand il courut aux armes, prit les conseils du duc d’Orléans ? »

Mais le faible vieillard appartenait alors tout entier à une femme dont l’origine était obscure, dont le nom de famille était incertain, qui jadis avait paru, disait-on, sur les planches du théâtre de Covent-Garden, qui, depuis, liée à un étranger d’une prodigue opulence, avait vécu, à Turnhain-Green du salaire d’un attachement illégitime, qui, enfin, devenue toute puissante sur le cœur du duc de Bourbon, s’était laissé marier au baron de Feuchères, loyal soldat dont la bonne foi trompée servit à couvrir pendant quelque temps le scandale d’adultères amours. Or, par un enchaînement de faits qu’il n’est pas inutile de rapporter, les intérêts de cette femme se trouvaient étroitement liés à ceux de la maison d’Orléans.