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vait été, après tout, qu’un crime stupide. La dernière guerre de Pologne le disait assez et les flots de sang répandus par suite de ce partage, la terreur profonde avec laquelle il avait fallu en surveiller les abominables résultats, l’incertitude qu’il jetait dans l’avenir des trois Puissances co-partageantes, tout cela prouvait suffisamment qu’il ne saurait y avoir de forfaits impunis et de brigandages intelligents ; que le succès des spoliations les plus savantes disparaît, considéré dans le temps et dans l’espace ; que toujours, enfin, le crime est puéril. Et puis, l’audace était peu commune de déclarer impossible une nationalité qui deux fois avait sauvé la chrétienté et qu’il eût été plus juste assurément de déclarer immortelle ? A combien d’épreuves, en effet, n’avait-elle pas résisté ? Combien de fois, se relevant alors qu’on la croyait anéantie, n’avait-elle pas convaincu d’impuissance, et la guerre, et les égorgements, et les trahisons et les ruses infernales de la diplomatie ? Que fallait-il donc pour démontrer la vitalité de la Pologne, si on ne comptait pour rien les efforts que la cinquième partie de cette Pologne venait de faire, leur durée, et leur énergie véritablement prodigieuse ?

Le discours de M. Thiers n’était donc, en réalité, qu’un brillant jeu d’esprit, sans parler de l’énorme contradiction qu’il contenait et que personne alors, dans la chambre, ne se mit en devoir de relever. Car il y avait une singulière imprudence à soutenir, d’une part, que la guerre, vu les dispositions et les ressources des diverses Puissances, n’était nullement à craindre ; et de l’autre, que le gouverne-