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ser de volontaires, et la France n’osant pas ce que la Prusse avait osé ! Les avertissements indirects de M. Sébastiani, les lettres de nôtre ministre à Berlin, M. de Flahaut, qui, comme M. Sébastiani, poussait à la temporisation, les menées infatigables du parti qui, en Pologne, redoutait le principe révolutionnaire plus encore que les Russes, telles sont les circonstances qui expliquent l’indécision de Skrzynecki sans l’absoudre.

Car les suites furent terribles. Un pouvoir démocratique et fort manquant à Varsovie, cette ville était tombée dans tous les excès d’une démagogie sans frein. La proposition faite par le généralissime de confier le pouvoir à un seul n’avait servi qu’à enfanter des discussions brûlantes. L’insuccès de l’expédition de Jankowski dans le palatinat de Lublin, attribué à de lâches perfidies, rendit nécessaires des arrestations précipitées. Les passions inoccupées, en face du péril et au milieu du trouble, s’employaient naturellement à augmenter le trouble et le péril. Ici, c’étaient des bandes irritées qui parcouraient la ville en demandant la mort des traîtres ; là, c’étaient des agitateurs qu’enflammait sourdement, pour le compte de son ambition, le vieux Krukowiecki, habile à jouer la grossièreté et l’audace. Pour empêcher le peuple de massacrer le général Hurtig, il fallut que le père de Roman Soltyk, vieilli dans les cachots du czar, se traînât presque mourant sur un balcon du haut duquel il exhorta la multitude à la clémence. Mais ces journées de deuil eurent aussi leur grandeur. S’élevant tout-à-coup dans cet orage qui grondait autour d’elle, la Diète dé-