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jeter la division parmi le peuple, et l’enchaîner par l’incertitude, on fit imprimer et on publia, en l’attribuant à des ouvriers, dont toutefois on ne faisait pas connaître les noms, une protestation amère et virulente contre les désordres redoutés.

Détruire les machines eût été sans aucun doute, de la part des ouvriers, une violence sauvage, dont ils auraient souffert les premiers : on faisait bien de le leur dire. Et pourtant, si les machines produisent à la longue des avantages incontestables, il suffit des maux accidentels qui naissent de Leur brusque intervention dans l’industrie pour accuser les vices de l’ordre social. L’anathème était donc naturel chez de pauvres ouvriers, victimes d’une concurrence homicide. Les flétrir du nom de repris de justice, c’était descendre à des manœuvres déloyales. Mais les intérêts qu’on menace sont implacables, et tout leur est bon pour se défendre.

Ici, on doit le reconnaître, le danger était grave. Aussi les journaux légitimistes me tinrent-ils pas un langage différent de celui des autres feuilles. Les hommes du parti vaincu n’auraient pas été fâchés de voir la révolution se dévorer elle-même ; la perte de leurs propriétés, cependant, était un sacrifice qu’ils ne voulaient pas faire au triomphe de leurs rancunes.

Dans l’exaltation des premiers moments, les chefs de la bourgeoisie avaient prononce des mots d’une grande portée ; ils avaient parlé de la souveraineté du peuple. Ils ne tardèrent pas à craindre que son orgueil n’eût été trop fortement excité. Le détourner de toute espérance hautaine, par une ha-