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patiemment la tyrannie farouche du grand duc, prince bizarre qui, par ses qualités aussi bien que par ses vices, ressemblait à un de ces chefs de barbares dont l’effort renversa l’empire romain. Ce n’est pas que la révolution qui semblait se préparer n’eût à surmonter de rudes obstacles. Abrutis par le servage héréditaire, servage qui, depuis Napoléon, n’existait plus de droit, mais existait toujours de fait, les paysans polonais ressentaient faiblement l’orgueil de l’indépendance, leur cœur n’ayant jamais battu pour la liberté. Et pour ce qui est des nobles, ceux-là seuls parmi eux s’élançaient avec ardeur vers un avenir inconnu, qui, réduits à la possession de vains privilèges, végétaient dans la misère ; car chez les nobles qui à l’autorité du nom joignaient celle de la fortune, la haine du joug étranger était combattue par la crainte de l’anarchie. D’ailleurs, à côté de cette noblesse, timide quoique sincère dans son patriotisme, veillait l’aristocratie polonaise, c’est-à-dire cette classe de nobles félons qui avaient accepté de la Russie les titres de ducs, de comtes, de barons, de princes, titres formellement réprouvés par la constitution originaire et les traditions du pays. Malgré tout cela, une révolution en Pologne était facile à prévoir, et des événements semblables à ceux du mois de juillet 1850 devaient la rendre inévitable.

Ainsi donc, et pour nous résumer, la Russie engagée dans des projets trop vastes pour ses ressources ; la Prusse en lutte avec les provinces rhénanes l’Autriche menacée par l’esprit de liberté en Allemagne, et par l’esprit d’indépendance en Italie ;