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voyaient qu’une politique sans dignité. M. Chambolle, secrétaire de la présidence à la chambre des députés, étant allé voir sur ces entrefaites M. Casimir Périer : « Eh bien, lui dit M. Périer, avec un emportement dont les convenances nous forcent de modérer l’expression, le roi sacrifie ses armoiries ? C’était le lendemain de la révolution qu’il fallait s’y résoudre, et je le lui conseillais, moi ! Mais non. Il ne voulait pas alors qu’on les effaçât, ces fleurs de lys, auxquelles il tient plus encore que les aînés. Maintenant, l’émeute passe sous ses fenêtres, et le voilà qui jette son écusson dans le ruisseau ! »

Depuis le 15 février, Paris vivait d’une vie brûlante, dont plusieurs mouvements tumultueux révélèrent l’ardeur sans l’épuiser. Dans un de ces mouvements, excité par la fausse nouvelle que les Polonais venaient d’être battus, l’ambassadeur de Russie fut insulté et les vitres de son hôtel furent brisées à coups de pierres. Mais des démonstrations plus dignes de la France témoignèrent de ses sympathies pour la Pologne : un grand nombre d’étudiants, sur l’appel de M. Allier, parcoururent la ville, tristes, silencieux et recueillis : ils portaient un drapeau tricolore entouré d’un crêpe, et l’allèrent déposer sur les fosses creusées au pied du Louvre. Vers le même temps, de pauvres ouvriers se rassemblèrent aux environs du Palais-Royal. Ils ne descendaient dans la rue, ceux-là, ni pour abattre les croix et dégrader des monuments, ni pour faire asseoir le carnaval sur l’autel ; ils criaient seulement : de l’ouvrage et du pain ! On marcha sur eux la baïonnette au bout du fusil.