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tes. Et quant à la multitude, il était naturel qu’abandonnée à elle-même, elle se retirât du champ de bataille par ignorance, étonnement et lassitude.

C’est une politique assurément très-vulgaire et à la portée des intelligences les plus médiocres, que celle qui consiste à flatter la force et à se mettre à sa suite : c’est ce que le pouvoir venait de faire en s’effaçant derrière les baïonnettes de la bourgeoisie. La situation de Paris avait été violente sans doute ; mais, à cause de sa violence même, il était impossible qu’elle fut de longue durée ; et les passions de la foule, alors même qu’elles n’auraient pas trouvé dans celles de la classe moyenne une résistance aussi vive, se seraient éteintes faute d’aliment, faute de direction, surtout. De quoi le gouvernement pouvait-il tirer vanité ? Manier les entraînements populaires avec vigueur, s’en servir en les dominant, les diriger sans les affaiblir, voilà ce qui est difficile et glorieux, voilà où se reconnaît l’art de gouverner les hommes. Mais tout pouvoir qui ne s’étudie qu’à amortir les élans du peuple, prouve qu’il se sent incapable de les féconder il avoue de la sorte son impuissance ; et dans sa conservation matérielle je ne vois plus que la honte de son abdication morale. Après la révolution de juillet qui laissait tant de problèmes à résoudre et fournissait tant de passions à employer, quelle gloire pour celui qui, poussé au pouvoir par la tempête, aurait saisi, au sortir de la crise, cette société frémissante, et, loin de l’arrêter, l’aurait guidée en l’apaisant !