Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trône et contre les droits que le roi tient du vœu de la nation. On se hâta d’adopter ce projet, qui partait d’une supposition pour mettre à l’abri de l’examen la majesté d’un homme, dans un pays où on laissait en prise la majesté de Dieu. M. Guizot avait appuyé la proposition, chose étrange de la part d’un publiciste qui avait proclamé dans ses écrits la souveraineté de la raison, et qui était protestant !

Le 10 décembre, à huit heures du matin, les ex-ministres étaient transférés du château de Vincennes à la prison du Petit-Luxembourg. Des précautions extraordinaires avaient été prises. Le bois de Vincennes était rempli de soldats. Sur l’ordre qui leur fut communiqué, MM. de Polignac, de Peyronnet et de Guernon-Ranyille montèrent sur le champ dans la voiture qui les attendait. Mais M. de Chantelauze était au lit, en proie à de vives souffrances : quand on essaya de le soulever, il poussa des cris aigus ; sa translation ne put avoir lieu que dans la soirée. L’escorte des prisonniers se composait de deux piquets de la garde nationale à cheval amenés pendant la nuit par le général Carbonel, d’un escadron de chasseurs commandé par le général Fabvier, et d’un détachement de canonniers fourni par la garnison de Vincennes. Le ministre de l’intérieur était à cheval. Après avoir suivi la rue du faubourg St.-Antoine jusqu’à la Bastille, et avoir traversé le pont d’Austerlitz, les boulevards Neufs, la rue d’Enfer, le cortège entra au Luxembourg par la grille de l’observatoire. Du fond de leur voiture, les derniers ministres de la Restauration virent la place où avait coulé le sang du maréchal Ney.