Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poléon ; il avait servi avec éclat en Espagne, sous le maréchal Suchet ; plus tard il avait opposé aux caprices du grand-duc Constantin une résistance altière : c’étaient ses seuls titres à tant de popularité. Mais les hommes du peuple sont aisément touchés par les apparences de la force et Chlopicki leur plaisait par sa haute stature, son visage martial, la brusquerie impérieuse de son geste et son ton bref. Malheureusement, ces dehors cachaient l’esprit le plus médiocre, le moins propre aux révolutions. Soldat borné, Chlopicki ne croyait qu’à la puissance grossière du nombre combiné avec la discipline, il niait les victoires possibles de l’audace, et souriait avec mépris quand on lui parlait de ce que peuvent les croyances vives, l’ardeur des longs ressentiments, l’enthousiasme de la liberté, l’élan des masses. Aux premiers bruits de cette révolution qui le voulait pour chef, il prit un compas, et mesurant sur la carte l’étendue de l’empire des czars, il secoua la tête en disant : « Si la Pologne ose résister, elle est perdue. »

Il accepta donc le commandement pour négocier, non pour combattre ; pour fléchir l’empereur, non pour délivrer la Pologne. Et il y fut aidé par le prince Lubecki, homme sans foi, mais habile, qui n’eut pas de peine à dominer complétement le vieux général, et se servit de lui pour se maintenir pendant quelques jours entre deux trahisons.

Le grand-duc Constantin campait à peu de distance de Varsovie, à la tête d’un corps d’environ huit mille hommes. Anéantir ce corps était facile ; l’attaquer était nécessaire, car toute révolution qui