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Aussi vit-on tous les partis en Angleterre se réunir, sinon pour célébrer la victoire remportée en France sur la monarchie, au moins pour insulter au monarque vaincu. Lorsque le navire qui portait Charles X et sa famille, entra dans la rade de Portsmouth, les Anglais accoururent en foule sur le port avec la cocarde tricolore. En même temps, on montrait dérisoirement au peuple, dans les rues de Portsmouth, des vues du Great-Britain, et on tapissait les murs de la ville de placards offensants pour les exilés. Sur un de ces placards on avait écrit : « Quel est le véritable sentiment des Anglais pour l’individu infortuné qui a violé les lois qu’il avait juré de maintenir ? — Horreur et mépris. » Le duc de Raguse étant débarqué, après avoir fait ses adieux à la famille royale, la douane déploya, envers lui, une rigueur puérilement exagérée ; et il ne se fut pas plus tôt avancé sur le rivage qu’une multitude furieuse entoura sa voiture en proférant des menaces. Charles X n’ayant pu descendre à Portsmouth, le Great-Britain et le Charles-Caroll allèrent

    de Landaff, au sujet de l’oraison funèbre du duc d’Enghien, prononcée à Londres :

    « Mon cher Milord, j’étais certain que votre âme élevée éprouverait une juste indignation à l’occasion du meurtre atroce de mon infortuné cousin : sa mère était ma tante ; lui-même, après mon frère, était mon plus proche parent… Son sort est un avertissement pour nous tous ; il nous indique que l’usurpateur corse ne sera jamais tranquille tant qu’il n’aura pas effacé notre famille entière de la liste des vivants. Cela me fait ressentir plus vivement que je ne le faisais, quoique cela ne soit guère possible, le bienfait de la généreuse protection qui nous est accordée par votre nation magnanime. J’ai quitté ma patrie de si bonne heure, que j’ai à peine les habitudes d’un Français, et je puis dire avec vérité que je suis attaché à l’Angleterre, non-seulement par la reconnaissance, mais aussi par goût et par inclination. »