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M. de Talleyrand ne répliqua que par un sourire. Les convives l’imitèrent. Et quelques heures après, M. Laffitte apprit, de la bouche du roi, que M. de Talleyrand était ambassadeur à Londres.

aucune protestation ne s’éleva de la part du conseil. Pourtant, la décision qui venait d’être prise engageait irrévocablement la France dans une politique toute nouvelle. Nommer M. de Talleyrand à l’ambassade de Londres, c’était non-seulement lier la diplomatie française au maintien des traités de 1815, mais encore renoncer à l’alliance de la Russie pour embrasser celle de l’Angleterre.

La nomination de M. de Talleyrand aurait dû émouvoir profondément les âmes, s’il n’y avait eu alors, partout, éblouissement et vertige. Qui pouvait avoir oublié qu’avant 1814 la France était la première nation du monde ; que le Rhin commençait et finissait sur son domaine ; que l’Allemagne ayant été façonnée pour elle et par elle ; que l’Italie reconnaissait ses lois ; que la capitale du catholicisme lui appartenait ; que l’Espagne obéissait à son influence ; qu’elle était plus grande, enfin, que n’avait osé la rêver tout l’orgueil de Louis XIV ? Or, chez M. de Talleyrand s’étaient ouvertes les négociations de Paris, préliminaires à jamais honteux des honteux traités de Vienne ; chez M de Talleyrand les ennemis de la France avaient eu raison, en deux traits de plume, du génie militaire de la république, continué par le génie militaire de Bonaparte. C’était là qu’on avait décidé qu’il serait donne un million à M de Metternich, un million à M. de Nesselrode, et six cent mille francs à chacun des négociateurs su-