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sinistres. En effet, une grande foule, composée en partie des hommes du port et de quelques centaines de pionniers rendus libres, accourait au-devant du cortège avec un bruit semblable à celui des flots. Bientôt la tête de la colonne se trouva face-à-face avec cette multitude grondante. Le prince de Croï montait un cheval blanc ; des plumes s’agitaient sur son chapeau de général qu’ornait la cocarde royaliste un large ruban bleu se détachait sur les broderies de son habit, et sa figure n’était pas sans quelque ressemblance avec celle du roi. C’est Charles X, crièrent des hommes du peuple trompés et ils s’élancèrent vers le prince en poussant des cris. D’autres entraient en même temps dans la colonne, heurtant les chevaux, et fixant leurs regards avec menace sur le pâle visage des cavaliers. En proie à d’inexprimables angoisses, les officiers des gardes ne songeaient qu’à éviter une lutte, et écartaient les assaillants avec une inquiétude presque suppliante. Charles X et son fils étaient descendus de voiture précipitamment, et ils s’avançaient à cheval, enveloppés de soldats fidèles mais émus.

On gagna Cherbourg. Le cri de la révolution retentissait dans les rues à de rares intervalles ; mais des drapeaux tricolores flottaient à presque toutes les fenêtres, et une foule immense, venue des campagnes voisines, se précipitait vers le port. A l’entrée de la ville, les officiers du 64e baissèrent leurs épées devant les exilés qui passaient. Deux vaisseaux avaient été préparés pour recevoir le roi, sa famille, et les personnes de leur suite. C’étaient le Great-Britain et le Charles-Carrol, sous le commandement